Approche historique de la qualité

I Les Origines

La notion de qualité est présente depuis fort longtemps dans l’activité humaine. Si on essaye de remonter le plus loin possible dans l’histoire, on retrouve dans le Code d’Hammourabi (stèle datant d’environ 1750 avant Jésus-Christ, retrouvée sur le site de l’ancienne Babylone) que

si un maçon avait construit une maison trop peu solide et que cette maison s’était écroulée sur ses habitants, le maçon devait être tué.

Au Moyen-Age, l’activité économique était caractérisée par les Corporations, qui par leur structures et leur fonctions, correspondaient aux fédérations professionnelles que nous connaissons aujourd’hui. Des artisans-compagnons aux constructeurs de cathédrales, tous professaient l’amour du travail bien fait et transmettaient leur savoir au travers de longs apprentissages. Les corporations fixaient les règles propres à leur métier ou codes de bonne pratique, elles établissaient les règles de qualité des produits et les inspectaient avant qu’ils ne soient livrés aux clients. Certains produits pouvaient recevoir une marque distinctive qui en garantissait la qualité. L’estampillage de l’or est d’ailleurs une pratique qui trouve son origine à cette époque.

Au XVIIè siècle, on trouve un texte de Colbert, prônant l’idée de l’internationalisation du marché et qui dit que

si nos fabriques imposent, à force de soin, la qualité supérieure de nos produits, les étrangers trouveront avantage à se fournir en France et leur argent affluera dans le royaume.

Il Le XXè siècle

L’histoire moderne de la qualité est indissociable du développement des organisations qui couvrent les domaines primaire (les produits de la terre et de la mer), secondaire (les produits manufacturés) et tertiaire (les sociétés de services). Disons que le secteur secondaire a pesé très lourd en raison de ses évolutions techniques et technologiques, de son passé, de ses contraintes, de ses procédures et de ses processus.

Parmi les événements qui ont grandement influencé le développement de cette nouvelle théorie du management qu’est le TQC – Total Quality Control, on peut citer

  • 1911: Organisation Scientifique du Travail
  • 1924 : Contrôle de la Qualité
  • 1946: JUSE – Japanese Union of Scientists and Engineers
  • 1950 : ASQC – American Society for Quality Control
  • 1957 : EOQC – European Organisation for Quality Control
  • 1969: Académie Internationale pour la Qualité
  • 1988 : Fondation Européenne pour le Management de la Qualité.

A Première période : l’inspection

C’est à la fin du XlXè siècle que Taylor met au point l’Organisation Scientifique du Travail (O.S.T.).

Lorsque Taylor commence sa vie professionnelle, le travail de l’ouvrier s’apparente encore beaucoup à celui de l’artisan. C’est l’ouvrier qui organise son travail et définit sa productivité au travers de la négociation. La productivité est cependant très faible et de là naît l’idée, pour Taylor, qu’il faudrait déterminer, de façon scientifique et donc incontestable, une méthode pour définir la meilleure manière de réaliser une opération et le temps nécessaire pour l’exécuter.

Les quatre principes de base de l’organisation scientifique du travail sont les suivants :

  1. l’étude de toutes les connaissances traditionnelles, leur enregistrement, leur classement et la transformation de ces connaissances en lois scientifiques,
  2. la sélection scientifique des ouvriers et le perfectionnement de leurs qualités et connaissances,
  3. la mise en application de la science du travail exécuté dans l’entreprise par des ouvriers scientifiquement entraînés et
  4. la répartition presque égale du travail exécuté dans l’entreprise entre les ouvriers et les membres de la direction.

La motivation essentielle, selon Taylor, est l’argent. Comme l’intérêt au travail est considérablement réduit par la division du travail et la spécialisation, c’est en effet la seule motivation à laquelle Taylor va se rattacher. Vu le manque de motivation pour un travail bien fait, la qualité des produits va se dégrader. Il va être nécessaire de mettre des inspecteurs sur le lieu de travail pour vérifier la qualité des produits une fois terminés.

« L’inspecteur est responsable de la qualité de son travail », avançait Taylor.

La notion d’inspection consiste en une supervision de type surveillance, dont l’objectif est de chercher, de façon généralement visuelle, à déceler les défauts du produit.

Ces démarches d’inspection ont été mises en oeuvre aux Etats-Unis, notamment par des sociétés telles que Singer (machines à coudre) et Mac Comic (machines agricoles).

Commentaires d’un adepte de la rationalisation tavlorienne après l’audition

d’un concert symphonique

Pendant des intervalles considérables, les quatre joueurs de hautbois sont restés sans avoir à jouer. Il serait logique d’en réduire le nombre et d’étaler leur intervention sur toute la durée du concert de manière à éliminer les pointes d’activité.

Les douze premiers violons jouent à l’unisson, c’est à dire des notes identiques : il semble s’agir là d’une multiplication d’emplois parfaitement inutile. Il faudrait pratiquer une sévère compression de personnel dans cette section, quitte à utiliser, si une forte intensité sonore est requise, une amplification électronique.

Le coefficient d’utilisation du triangle est extrêmement faible. On a intérêt à utiliser plus largement cet instrument, et même à en prévoir plusieurs. Son prix d’achat étant extrêmement bas, l’investissement serait très rentable. L’exécution des triples croches nécessite un effort considérable et représente une complication inutile. On suggère que toutes les notes soient arrondies à la double croche la plus proche. De la sorte, on pourra dans une plus large mesure faire appel à des musiciens moins qualifiés ou à du personnel stagiaire.

On constate que le même passage est répété trop souvent. Ces répétitions peuvent être sérieusement réduites. En outre, il est tout à fait inutile de faire jouer aux instruments à vent un thème déjà exposé par les cordes. On peut estimer que si toutes les redondances sont éliminées, un concert de 2 heures pour tenir en 20 minutes, ce qui diminue les frais généraux et évite, de plus, la nécessité d’un entracte.

Le remplacement du piano à queue par un piano droit, moins encombrant, permettrait d’utiliser plus rationnellement l’aire de stockage du magasin de rangement des instruments.

Les techniques d’exécution, qui semblent ne pas avoir évolué depuis des siècles, sans aucun progrès dans l’ergonomie, mériteraient une étude approfondie. On remarque par exemple que le pianiste, pour interpréter sa partition, a besoin de ses deux mains et joue encore avec ses deux pieds en s’activant sur des pédales.

Il a néanmoins de sérieuses difficultés avec certaines notes. Il est probable qu’une nouvelle conception du clavier rassemblant à portée immédiate des mains l’ensemble des touches les plus fréquemment utilisées pourrait améliorer les conditions de travail de l’interprète.

Pour de nombreux autres exécutants, une des mains sert presque exclusivement à tenir l’instrument; l’emploi d’un support permettrait de rendre la main oisive disponible pour une autre activité.

On peut remarquer aussi, de temps en temps, l’effort excessif fourni par les joueurs d’instruments à vent, alors que l’emploi d’un compresseur pourrait procurer l’air nécessaire d’une façon adéquate et mieux contrôlée. L’obsolescence des instruments est aussi un point qui mérite d’être examiné : le programme ne mentionne-t-il pas que l’instrument du premier violon avait plus de 100 ans ? Si on avait appliqué correctement le barème d’amortissement, on aurait constaté que la valeur de cet instrument était certainement nulle et on aurait pu envisager l’achat d’un instrument moderne. Dans l’ensemble, nos propositions rencontrent l’adhésion du chef d’orchestre. Il objecte néanmoins que leur mise en oeuvre pourrait entraîner une certaine diminution du nombres d’entrées. Dans cette éventualité, d’ailleurs peu probable, nen n’empécherait de fermer au public des sections entières de la salle, ce qui permettrait de réaliser des économies d’entretien, d’éclairage, de personnel, etc.

Au pire, on pourrait supphmer les concerts dans cette salle, les mélomanes ayant toujours la ressource de se rendre dans une autre.

B Deuxième période : le contrôle qualité

Entre les années 30 et 50, en ce qui concerne la qualité, c’est l’époque du contrôle. Il faut ici souligner la différence de signification entre la notion de « contrôle de qualité » qui traduit mal l’idée américaine de « Quality Control ». En effet, lorsque les Américains et les Japonais parlent de « Quality Control », le mot « control » signifie « maîtriser, dominer », et n’a donc pas le sens français de « vérifier, inspecter ».

Deux étapes ont marqué le développement des courants de contrôle de la qualité :

  • Walter Shewhart et les recherches des Bell Laboratories

Le Dr. Walter Shewhart (1891-1967) est incontestablement le fondateur du mouvement mondial du Contrôle de la Qualité. Il a mis au point une théorie et des outils ( les graphiques de contrôle). En 1925, il est employé en tant que chercheur aux Bell Laboratories, principale société responsable de l’installation du réseau téléphonique aux Etats-Unis. En 1931, Shewhart révèle les résultats de ses recherches sur le contrôle de la qualité dans un ouvrage de 500 pages intitulé Economie Control of Quality for Manufactured Product.

La principale préoccupation de Shewhart était de comprendre le problème de la maîtrise de la qualité d’un produit dans une fabrication de série. Contrairement à la théorie de l’époque qui prônait qu’il suffisait de placer des vérificateurs zélés aux bons endroits, il a montré que le contrôle d’un produit était une opération difficile à mettre au point et qu’il nécessitait la collaboration de nombreuses personnes occupant différents postes de responsabilités.

  • a mis en évidence le phénomène inéluctable de la variation dans la réalisation d’un produit. Il met au point des techniques issues des statistiques et des probabilités, afin de déterminer le degré de variation acceptable. Il développe également des méthodes d’échantillonnage permettant de réduire les risques de non-représentativité des échantillons.

A partir de 1928, grâce à cette théorie, la production de l’usine de Bell Laboratories à Hawthome, Illinois, avait fait des progrès considérables. Les coûts des inspections et des réparations avaient diminué, le volume de production avait augmenté sans que de nouveaux moyens aient été mis en place et les caractéristiques des appareils produits étaient plus uniformes, ce qui facilitait beaucoup le travail des services d’installation.

Le premier livre de Shewhart est plein de conseils pratiques pour la présentation des données. Il explique par exemple comment préparer un histogramme de fréquences et un diagramme de corrélation. Il donne aussi des conseils très utiles pour l’étude des données, notamment pour la recherche des relations de cause à effet.

Dans un second ouvrage intitulé Statistical Method from the Viewpoint of Quality Control, paru en 1939, il expose longuement le rôle de chaque membre d’une entreprise dans le processus d’amélioration de la qualité.

Le principe essentiel de la maîtrise statistique des processus (M.S.P.) est que un même processus ne produira jamais deux produits rigoureusement identiques.

Cette variabilité est basée sur

  1. des « causes communes ou aléatoires », qui sont liées de façon intrinsèque au procédé. Elles sont généralement nombreuses, indépendantes et de faible amplitude et conduisent à une distribution gaussienne des variations.
  2. des « causes spéciales et assignables » qui constituent des événements inhabituels provoquant des dérives fortes et inacceptables du processus. Il faut non seulement réagir dès leur apparition (pour remettre le processus

« sur ses rails ») mais il faut surtout en rechercher les causes pour les éviter à l’avenir.

Les buts de la M.S.P. sont de

  • détecter les dérives inacceptables d’un processus aussi rapidement que possible
  • identifier et supprimer les « causes assignables » pour rendre le processus stable
  • diminuer la dispersion due aux « causes communes » pour améliorer le processus et accroître sa capabilité.

L’outil principal de mesure de la M.S.P. est la carte de contrôle. Une caractéristique mesurée d’un produit ou d’un processus y est comparée à la valeur moyenne qu’elle prend et à des limites supérieure et inférieure de contrôle, correspondant généralement à un écart de plus ou moins trois écarts-type par rapport à la moyenne.

2        Deming et l’impact de la seconde guerre mondiale

Pendant la deuxième guerre mondiale, l’armée américaine est amenée à rechercher et à énoncer des standards de qualité précis pour ses armements. Elle va adopter des procédures statistiques pour la réception des matériels et inciter ses fournisseurs à adopter des méthodes de contrôle statistiques de leurs processus.

  1. Edwards Deming (1900 -1993), théoricien de la statistique, qui est alors conseiller au Bureau National du Recrutement, organise des stages pour apprendre les méthodes de Shewhart aux cadres supérieurs des entreprises d’armement. Mais les dirigeants industriels n’avaient pas conscience de leur responsabilité et l’expérience fut un échec.

Discipline de Shewhart, Deming est surtout orienté vers l’enseignement, principalement des méthodes statistiques et il s’intéresse plus particulièrement à l’analyse de la variance. En 1942, il réalise plusieurs conférences, notamment avec l’aide de J.M. Juran, pour améliorer la qualité et la productivité des industries de l’armement. C’est à cette époque qu’apparaît le concept du « niveau de qualité acceptable », qui consiste à définir le minimum de qualité qu’un client doit attendre de la part du fournisseur.

Deming refuse d’avoir un auditoire d’un niveau inférieur à celui d’un directeur général. Il fait prendre conscience à ces « élèves » que la statistique ne doit pas être du domaine des spécialistes, mais qu’elle doit être simple, élémentaire, dénuée de formules. Pour ce faire, elle doit être appliquée à tous, du P.D.G. à l’opérateur.

En 1950, il est invité officiellement par la JUSE à donner une série de conférences à Tokyo. Les notes de cours furent publiées en japonais sous le titre « Principes élémentaires du Contrôle Statistique de la Qualité » et connurent un immense succès. Les bénéfices de la vente de ces notes a permis de créer le célèbre [Deming Prize.

Deming donnera de nombreuses conférences au Japon et recevra en 1960 la plus haute distinction que peut recevoir un étranger, l’insigne du Second Ordre du Trésor Sacré

Plus que tout autre spécialiste de la qualité, Deming souligne que « détermination et persévérance sont une nécessité absolue pour améliorer les produits et les services ».

L’enseignement du Dr. Deming est présenté dans son livre Out ofthe Crisis., dans lequel il présente « les 14 points pour le management »

  1. Garder fermement le cap de la mission de l’entreprise en améliorant constamment les produits et les services.
  2. Adopter la nouvelle philosophie de management et conduire le changement d’une main sure.
  3. Faire en sorte que la qualité des produits ne demande qu’un minimum d’inspection. Intégrer la qualité au produit dès sa conception.
  4. Améliorer constamment tous les processus de production et de service, ce qui entraînera une réduction des coûts.
  5. Supprimer les obstacles qui privent les ouvriers, agents de maîtrise, ingénieurs et cadres de leur droit à la fierté du travail.
  6. Faire disparaître la crainte, en sorte que chacun puisse travailler efficacement pour sa société.
  7. Renverser les barrières entre les départements. Le travail en équipe de toute l’entreprise doit prévoir les problèmes qui peuvent apparaître au cours de la réalisation et de l’utilisation des produits.
  8. Eliminer les exhortations, les slogans et les objectifs qui demandent aux ouvriers d’atteindre le zéro-défaut et d’augmenter le niveau de productivité.
  9. Eliminer les quotas de production, la direction par objectifs et toute forme de direction par les chiffres.
  10. Instituer le leadership, nouvelle forme de direction ayant pour but d’aider les personnes à mieux remplir leur mission.

11 .Instituer une formation permanente pour tous les cadres et tous les membres de la société.

  1. Instituer un programme énergique d’éducation et d’amélioration personnelle.
  2. Mettre fin à la pratique des achats au plus bas prix. Chercher plutôt à réduire le coût total. Réduire au minimum le nombre de fournisseurs par article, en établissant des relations à long terme de loyauté et de confiance.
  3. Mettre tout le personnel à l’oeuvre pour accomplir la transformation.

C L’Assurance de la Qualité 1 Joseph M. Juron

Après des études d’ingénieur, Juran (né en 1904) a commencé sa carrière professionnelle auprès de la Bell Téléphoné où il travailla avec l’équipe de Shewhart.. Après la deuxième guerre mondiale, pendant laquelle il fut affecté à l’administration fédérale, il s’installa comme professeur indépendant, écrivain et conseil en contrôle de la qualité. Il rédigea la première édition de son Quality Control Handbook, publié en 1954 et qui connut un rapide succès au Japon.

Juran enseigne que la qualité est une responsabilité qui incombe à la direction et qu’elle doit être considérée comme une discipline de gestion, analogue aux finances. Il insiste sur l’amélioration continue_de la qualité, qui consiste à identifier les problèmes chroniques et à y apporter des solutions vérifiées et durables. Il présente une séquence universelle d’amélioration au niveau du management selon le schéma

  1. Preuve du besoin d’amélioration
  2. Identification du projet
  3. Organisation pour la direction du projet
  4. Organisation pour le diagnostic
  5. Percée dans la connaissance
  6. Percée dans le schéma culturel
  7. Percée dans la performance
  8. Nouveau régime de contrôle.

Juran est connu pour avoir défini le diagramme de Pareto qui consiste à classer les problèmes par ordre d’importance et qui montre qu’en traitant le petit nombre de problèmes les plus importants, on peut améliorer considérablement un processus. Vilfredo Pareto, un économiste italien de la fin du XlXè siècle ne s’intéressait pas du tout à la qualité mais à la répartition des richesses en Angleterre.

Juran définit également la spirale de la qualité qui montre l’interdépendance des divers processus d’une entreprise par rapport à la qualité du produit final.

2 Armand V. Feigenbaum

Feigenbaum (né en 1920) est ingénieur. Il a commencé à travailler à la General Electric pendant la deuxième guerre mondiale. Ses travaux consistaient à analyser le fonctionnement des transformateurs et des premiers moteurs à réaction. Les pannes étaient fréquentes et Feigenbaum utilisa les méthodes statistiques pour déterminer exactement quelles pièces étaient à l’origine des pannes et pourquoi elles n’étaient pas fiables.

Après la guerre, Feigenbaum compléta ses études par un doctorat en physique au Massachusetts Institute of Technology et écrivit un ouvrage sur la gestion de la qualité « Total Quality Control ». Cet ouvrage comporte six parties :

  1. Le management de la qualité dans les affaires
  2. Le système total de la qualité
  3. Stratégies de management pour la qualité
  4. Technologie de la qualité du point de vue de l’ingénieur
  5. Technologie de la qualité du point de vue du statisticien
  6. Comment appliquer le TQC dans l’entreprise

Feigenbaum a été le premier à utiliser le terme de « maîtrise totale de la qualité ». La définition qu’il en donne est la suivante :

« c’est un système destiné à intégrer efficacement les efforts des divers groupes d’une organisation afin de développer, de maintenir et d’améliorer la qualité. Son but est de permettre au marketing, aux études, à la production et aux services d’atteindre une complète satisfaction du client de la façon la plus économique ».

Feigenbaum est également à l’origine de la notion de coût de la qualité.et de ces composantes en terme de coût des défaillances, coût du contrôle et coût de la prévention. Selon lui, le total de ces coûts représente de 10 à 40% des ventes annuelles des entreprises. La notion de coût de la qualité incite les chefs d’entreprises à améliorer la qualité et donc à en réduire le coût.

D La Qualité Totale

1 Kaoru Ishikawa

Dans l’industrie américaine, peu de Japonais sont aussi célèbres que Kaoru Ishikawa (1915 – 1989), l’inventeur des « cercles de qualité ». Alors qu’ils continuent à se développer au Japon, les cercles de qualité ont connu une mode aux Etats Unis et en Europe, mais ils ont rapidement périclité. La raison de cet échec, d’après Ishikawa, est due au fait que les directeurs d’entreprises en Occident ne s’intéressaient pas vraiment aux principes et aux méthodes de la qualité totale. Il faut toutefois noter que de véritables cercles de qualité japonais ont été implantés avec succès dans quelques sociétés françaises, notamment chez Citroën à Rennes, Sony à Ribeauvillé, Sumitomo à Montluçon et MBK à Saint-Quentin.

En 1970, Ishikawa publie un petit ouvrage de 50 pages appelé « Manuel des Cercles de QC» dans lequel on peut lire :

Le cercle de QC est un petit groupe constitué avec des’opérateurs pour exécuter volontairement des activités de gestion de la qualité sur les lieux mêmes où travaillent les membres du groupe. Il assure en permanence sa part dans l’action globale de gestion de la qualité de l’entreprise …en faisant appel aux techniques statistiques et à celles de la gestion de la qualité.

La contribution de Ishikawa aux progrès du management ne se limite pas à la technique des cercles de qualité. C’est lui qui est à l’origine de la fondation du Prix Deming et surtout d’un programme national de formation des cadres dirigeants à la qualité totale. Grâce à lui, le Japon est actuellement le seul pays au monde où les cadres dirigeants, dans la plupart des entreprises, utilisent les techniques de la qualité totale comme des techniques de management. En 1981, il publie un ouvrage « What is Quality Control ? The Japanese Way », dans lequel il dit notamment :

La première étape du QC consiste à connaître les exigences des consommateurs.

Une autre étape du QC est celle de savoir ce que les consommateurs vont acheter.

On ne peut pas définir la qualité sans connaître les coûts.

Devancez l’apparition des défauts et des réclamations.

Pensez toujours que vous devez agir juste à propos. Un contrôle de la qualité

qui n’est pas accompagné d’actions pertinentes n’est qu’une illusion.

Le contrôle de la qualité idéal est celui dans lequel les contrôles sont inutiles.

Dans un rapport publié dans un magazine de la JUSE, Ishikawa identifie 14 différences sociales fondamentales qui font que la gestion de la qualité ne peut être appliquée de la même manière au Japon et en Occident. Ces différences sont :

  1. En Occident, on attache une grande importance à la spécialisation. Le QC est l’affaire des spécialistes du QC.
  2. Les syndicats ouvriers, qui ont une structure nationale en Europe et aux Etats-Unis, sont des syndicats d’entreprise au Japon.
  3. En Occident, les diplômés de l’enseignement supérieur sont imprégnés d’esprit de caste et d’élitisme.
  4. En Occident, le taylorisme a toujours une grande emprise sur l’activité économique.
  5. En Occident, la salaire est fonction du mérite (on cherche à motiver les ouvriers par le gain). Au Japon, au contraire, le salaire est fonction de l’ancienneté et du niveau dans l’organisation.
  6. En Occident, les cadres ont une grande mobilité et vivent dans la crainte des licenciements. Au Japon, ils ont un emploi à vie.
  7. Le Japon est une société verticale, l’organisation de l’entreprise est presque uniquement à base de rapports hiérarchiques.
  8. Les traditions religieuses sont opposées. Pour le christianisme, la nature humaine est mauvaise; pour le confucianisme et le bouddhisme, la nature humaine est bonne.
  9. Les systèmes d’écriture sont différents. Les nations qui utilisent le Kanji (les caractères chinois) ont tendance à faire de plus grands efforts. Les Japonais, les Coréens et les Chinois attachent généralement beaucoup d’importance à l’éducation.
  10. L’éducation à la qualité est obligatoire au Japon. En Occident, il n’y a que des formations à la qualité.

11 .Le Japon est une nation homogène; il n’y a pas de travailleurs immigrés.

  1. Les relations avec les sous-traitants sont plus développées au Japon où 70 % du coût de production vient de fournisseurs extérieurs; aux Etats Unis : 50 %. Climat souvent hostile.
  2. En Occident : vieux style capitaliste et profits à court terme. Au Japon : démocratisation du capital et profits à long terme.
  3. Le rôle du gouvernement japonais n’est pas de contrôler, seulement de stimuler l’industrie. La concurrence est ouverte.

On ne peut parler d’Ishikawa sans mentionner également son célèbre diagramme connu sous le nom de diagramme cause-effets, ou encore diagramme en arrêtes de poisson, que nous étudierons plus tard dans le cours.

2 Philip K Crosby

Philip Crosby (né en 1923) a commencé sa carrière comme responsable du contrôle de la qualité du programme Pershing chez Martin Marietta. Il ne tarde pas à s’insurger contre le principe de la norme de qualité militaire MIL STD 105-D qui définit un « niveau de qualité acceptable » : « Comment diable peut-on écrire dans un contrat que le fournisseur livrera x pour cent de pièces défectueuses à son client et que tout le monde sera content ? ».

Phil Crosby a d’abord convaincu la direction de Martin Marietta qu’il était possible d’améliorer la qualité en faisant confiance au personnel. Ensuite, il a diffusé des documents pour expliquer à tout le monde que la société risquait de perdre ses clients si elle continuait à produire des pièces défectueuses. Il disait que le contrôle en fin de fabrication était inefficace et que le seul moyen d’atteindre la qualité demandée était « de faire bien la première fois ». Il proposait également aux ingénieurs et aux cadres une méthode en quatre étapes pour améliorer la qualité :

  1. faire savoir à tous que la direction n’admet aucun compromis concernant la qualité
  2. mesurer la qualité
  3. lancer des actions correctives
  4. reconnaître les résultats.

Phil Crosby est également connu pour avoir créer un nom de code qui a fait le tour du monde : « Le Programme Zéro Défaut ».

En 1965, Crosby fut engagé comme directeur de la qualité chez ITT. Afin de mettre en place son organisation de la qualité, il crée des « Quality Councils » en Amérique du Nord, en Amérique Latine, en Europe et en Asie, conseils qui ont pour mission d’aider les membres à développer des programmes d’amélioration de la qualité dans les filiales. En 1968, il crée un centre de formation interne à l’ITT, le « Quality College » avec une équipe de quinze formateurs qualifiés, moitié à New York, moitié à Bruxelles.

En 1979, Crosby quitte ITT et forme son cabinet de conseil PCA (Philip Crosby Associates) afin de diffuser dans le monde entier sa méthode qui avait si bien réussi chez ITT. Il publie plusieurs ouvrages dont le célèbre « Quality is free », dans lequel il écrit notamment :

Les problèmes de qualité en Amérique sont dus à un mauvais management, pas à une mauvaise main d’oeuvre.

Il n’y a pas une bonne et une mauvaise qualité. Un produit est conforme aux exigences du client ou ne l’est pas. L’inaptitude des dirigeants à comprendre cette idée est au coeur de tous les problèmes de l’industrie américaine.

La qualité, pour les P.D. G., c’est comme l’Afrique. Ils savent qu’elle existe mais ils n’y sont jamais allés.

En 1984, il publie « Quality without Tears » où il décrit son projet d’amélioration de la qualité fondé sur deux concepts fondamentaux :

  • Toute action professionnelle, notamment un projet d’amélioration de la qualité, est un processus, c’est à dire un enchaînement d’actions élémentaires qu’il est possible d’identifier, de classer et de mesurer.

* Le management de la qualité, qui fait partie de la mission de la direction générale, repose sur quatre absolus :

  1. La qualité doit être définie comme la conformité à des exigences, non pas comme une vertu bénéfique.
  2. La méthode d’obtention de la qualité est la prévention, non pas la détection de défauts.
  3. La norme de performance doit être Zéro Défaut, non pas une valeur « suffisamment faible ».
  4. La mesure de la qualité est le prix de la non-conformité, non pas des indices.

Phil Crosby a dit souvent que l’industrie occidentale ne pourra pas survivre devant l’industrie asiatique si une révolution du management n’est pas faite par les dirigeants eux-mêmes, c’est pourquoi il cherche avant tout à les convaincre.

D’après son expérience, l’évolution mentale d’un P.D.G. qui abandonne les mauvaises habitudes du management pour aller dans le sens de l’amélioration de la qualité se fait en trois étapes, comme celle d’une personne qui cesse définitivement de fumer.

La première étape est la conviction. Le dirigeant admet qu’il y a un réel problème et qu’il est temps de faire quelque chose. Il devrait commencer à changer ses habitudes.

La seconde étape est l’engagement. La plupart des dirigeants pensent que cette étape est la fin du voyage, mais ce n’est que le commencement. Il sont dans la situation du fumeur qui n’a pas touché une cigarette depuis 24 heures. Il sera difficile de persévérer dans ce nouveau comportement.

La troisième étape est la conversion. Un converti ne revient pas à ses anciennes habitudes. Un P.D.G. converti à l’amélioration de la qualité ne succombera pas à la tentation de recourir aux expédients classiques qui donnent l’illusion d’un bon management.

3 Les sept outils classiques de la Qualité

Il est difficile d’attribuer précisément la paternité de certains de ces outils mais ils dérivent tous des enseignements des « gourous » américains et leur mise au point sous la forme que nous connaissons aujourd’hui a été réalisée par le professeur Kaoru Ishikawa.

Ces sept outils de base, dont nous reparlerons plus tard sont

1 Les feuilles d’acquisition et de vérification de données

  1. La représentation graphique
  2. L’histogramme
  3. Le diagramme de Pareto
  4. La carte de contrôle
  5. La droite de corrélation
  6. Le diagramme causes-effet
INSPECTION CONTROLE

QUALITE

ASSURANCE

QUALITE

QUALITE

TOTALE

OBJET Détection des défauts Contrôle

(maîtrise) de la qualité du produit final

Construction

permanente de la qualité intermédiaire et finale

Gestion globale

de la qualité des actes et des produits

PERIODE de DEMARRAGE Début du XXè siècle Années 30 Années 50 Années 70-80
CONCEPTS

CLES

Rendement et division du travail Niveau de la

qualité

acceptable

Fiabilité

Confiance du client

Excellence
SENS de la DEMARCHE Réaction Régulation Prévention Pro-action
METHODES et

TECHNIQUES

PRINCIPALES

Supervision Statistiques, probabilités, échantillonnage .métrologie … Procédures

organisationnel les et

techniques

Formation,

indicateurs Motivation des hommes

ACTEURS

CONCERNES

Département

inspection

(contremaîtres)

Ingénieurs

Qualiticiens

Chacun, à

toutes les étapes du procédé de fabrication

Tous les membres de l’organisation et de son

environnement

proche

PIONNIERS dans la DEMARCHE TAYLOR

SINGER

Mac CORNIC

SHEWHART

DEMING, BELL

TELEPHONE

ARMEE

JURAN

FEIGENBAUM

MARTIN

COMPANY

CROSBY

ISHIKAWA

IBM